Bon, ça fait un bail que je temporise, parce que ce sera un billet long, et pas franchement ragoûtant : je vais vous exposer la procédure de création d’une Société par Actions Simplifiée.

Tout d’abord, exposons notre choix juridique, pourquoi une SAS et pas une SARL, ou autre?

La SAS offrait tout bonnement un ensemble de possibilités qui nous allaient, dont la plus évidente est de faire entrer potentiellement de futurs associés, en particulier financier.
Lorsque vous êtes une start-up qui souhaite croître avec un projet ambitieux alors que vous n’avez pas de moyens, la levée de fonds est quasiment le passage obligé, tôt ou tard.
Et si ce ne sont des fonds, cela sera des compétences pour combler vos lacunes, et là encore, la SAS vous permet de faire entrer du monde dans son statut très souple.

Enfin voilà, nous sommes mi 2010, et il est temps de créer la société Walkyrie On a Donkey SAS, qui porte le projet Dress-Me.

Pour déposer un dossier au Centre des Formalités des Entreprises (CFE) et faire immatriculer votre société, un certain nombre de documents obligatoires sont à envoyer :

– Les statuts de la société
– Le formulaire M0
– Une déclaration de non-condamnation pour chaque associé
– Annonce légale
– Attestation de domiciliation de la société
– Attestation de dépôt du capital social
– Attestation de la liste des souscripteurs

Avec tout cela, vous êtes armés pour envoyer votre dossier et avoir sous 1 à 3 semaines – selon l’engorgement, votre localisation, ou la diligence de votre CFE – votre immatriculation au Registre du Commerce!

Décrivons un peu chaque document, et pour certains, cela va être sport, alors commençons par les plus faciles :

– Pièces d’identité. RAS…

– Déclaration de non condamnation :

Alors, là, pas besoin d’aller à la police chercher votre casier judiciaire, un simple document signé suffira, à faire pour tous les associés composant la SAS

– l’Attestation de domicile :

Votre société doit avoir une adresse, c’est une obligation. Vous pouvez évidemment la placer là où bon vous semble en France, même si c’est une simple adresse postale, mais elle représentera votre adresse légale pour les impôts, l’URSSAF et tous les organismes étatiques que vous allez vite intéresser…

Si vous travaillez depuis chez vous et n’êtes pas propriétaire de votre logement, il faut faire une demande à votre bailleur. Demande qu’il ne peut pas refuser sous certaines conditions :
* vous ne stockez rien
* vous ne recevez pas de clients ou de fournisseurs chez vous
* cela ne durera pas plus de 5 ans
Vous trouverez d’autres informations à cette adresse.

Nb: sur l’image ci-jointe, n’oubliez pas de cocher une des cases! Pour la petite histoire, notre dossier a été refusé jusqu’à ce qu’on coche la première case, par retour courrier… Bon, c’est pas la mer à boire, mais bon, c’est bien agaçant lorsqu’on a autre chose à faire que cocher des cases et que les docs les plus complexes sont passées sans soucis!

– Le formulaire M0 (cerfa_13959)

On ne va pas épiloguer sur la question, c’est THE formulaire du CFE sur lequel vous devez mentionner tout plein de trucs légaux.
Pas de quoi fouetter un chat, sauf peut-être la partie fiscale, où, pour notre part, nous avons choisi l’Impôt sur les Sociétés au Réel Simplifiée, avec la TVA Réel Simplifié avec une option pour le dépôt d’une déclaration annuelle de régul portant sur l’exercice comptable.
En sachant que notre premier exercice comptable est reporté au 31.12.2011 (sisi, on a le droit la première année de dépasser ou avancer cette date…).

Le coût de création d’une SAS auprès des greffes est de 83€ environ.

A noter que si l’on ne vous donne pas de lien pour les docs officiels, mais juste des images, c’est parce qu’ils ont tendance à changer dans le temps, et qu’on ne préfère pas vous induire en erreur.
Le mieux, c’est vraiment le site de l’APCE, où l’on trouve tous les liens nécessaires.
A noter que vous pouvez ajouter votre demande d’ACCRE (cerfa_13584_02) – si vous y avez droit – avec ce formulaire…

– L’annonce légale

Grosse fumisterie française qui consiste à faire s’engraisser quelques journaux qui n’existent que pour cela, l’annonce légale est obligatoire, vous ne pouvez pas y couper, et vous avez nombre de journaux – des plus connus aux plus petits tirages – qui proposent de prendre vos deniers en échange de ces quelques lignes inutiles mais coûteuses.

Nous, nous sommes passés par ce service-ci, et même en prenant un journal sans grande visibilité, pour une SAS, la facture ait vite monté autour de 260€.
Du vol qualifié, donc, mais parfaitement légal. D’où le terme d’annonce légale, histoire de, comme tout pleins d’autres actes notariés et légaux, faire subsister quelques niches de profit venus du fin fond du code civil du XIXième siècle.
(Hein? Quoi? Ca se voit que j’ai la haine? Non… Sérieux, si? Bon ben, désolé, je ne le referai plus et ne parlerai plus de l’archaïsme administrativo-petit-bourgeois français)
A noter que je ne sais toujours pas pourquoi, dans l’histoire de notre startup, nous avons dû passer par cette case, si ce n’est le « ben, c’est comme ça, faut raquer… »

– L’attestation de dépôt du capital social, et l’attestation de la liste des souscripteurs

Tout d’abord, il vous faut trouver une banque, où déposer votre argent, celui qui déterminera votre capital social, c’est à dire:
* ce que vaudra votre société originellement
* l’argent que vous injectez avec vos associés dans la boîte

La liste des souscripteurs est aussi fourni par la banque, avec le nombre d’actions de la société que détient chaque associé. C’est aussi un doc créé par votre boîte lors de votre première Assemblée Générale.

Un exemple : mettons que vous décidez de mettre 10.000€ dans votre SAS, et que vous êtes 3 associés avec les apports en numéraire suivants:
* associé 1 : 4500€
* associé 2 : 3800€
* associé 3 : 1700€
Et que vous décidiez entre vous que la valeur de vos actions est de 10€, la répartition est donc de 450 actions pour l’associé 1 (45% de la boîte), 380 actions pour le second (38%) et 170 actions pour le dernier (17%).
Ouep, je sais, je suis un killer en math!
Enfin bref, il faut un doc qui donne ces répartitions, et un autre qui montre le dépôt sur un compte temporaire bancaire.
On verra ensuite le déroulement dans le temps de tous ses documents et leurs implications entre eux.

– Les statuts de la SAS

Là, on entre dans le lourd, c’est ce qui nous a pris le plus de temps, à peu près 3 semaines.
Et pour cause : nous avons décidé de les écrire nous-mêmes sans aucune compétence juridique à la base!
Pourquoi? D’abord, pour comprendre par nous-mêmes ce que l’on mettait dedans au lieu de signer en bas d’une page, d’autre part pour éviter un coût conséquent (dans les 1500 à 2000€ dans le meilleur des cas) et enfin pour avoir un vernis juridique suffisant lors des prochaines modifications des statuts de la société, qui verront entrer des financiers autrement plus calés que nous en clauses juridiques.

A l’origine, nous nous sommes servis d’un document de base, comme on peut en trouver ici, document que nous avons considérablement remanié.

Tout d’abord, nous avons adjoints un préambule, entre mon associée et moi, qui explique la raison d’être la société et le fonctionnement pré-création entre nous.
Et, en plus de nos apports en numéraire, nous avons ajouté des apports en investissement.
C’est quoi ça?

Plusieurs apports peuvent intervenir dans la création d’une SAS et qu’il faut spécifier au moment de sa constitution:
– Apport en numéraire : le cash qui constitue le capital social
– Apport en nature : un commissaire aux apports estime le montant des apports immobilisés – voiture, ordinateurs, bureaux… – , à ajouter au capital social. On ne voulait pas, car avoir un commissaire aux apports est une procédure longue, ennuyeuse et coûteuse, surtout pour ce qu’on avait à apporter en la matière.
– Apport en industrie : lorsque vous faites entrer quelqu’un qui amène son savoir, mais pas d’argent. Aucun impact sur le capital social, mais des parts lui sont données dans les statuts, avec les modalités d’attribution et d’exercice. Nous n’en avions pas non plus besoin.
– Apport en investissement : ce sont les capitaux que vous avez amenés avant la création de l’entreprise pour faire avancer votre projet (prestation extérieure, achat noms de domaine, études, propriété intellectuelle…), qui ne peuvent être versées dans le capital social, mais qui constituent une créance que la société vous doit. Et nous avons utilisé cette possibilité, en attachant en annexe toutes les factures que nous voulions y voir figurer.
En outre, nous passerons ces apports en investissement en crédit de TVA d’ici qqs mois. On en reparle plus loin!

Ensuite, les clauses.
Il y en a toute une batterie, mais celles que nous avons retenues sont :

– La clause d’agrément.
– La clause de Préemption
– La clause de plafonnement de participation
– La clause d’exclusion
– La clause de non-dilution

Je ne vous mets pas leur signification : il y a de très bons sites juridiques qui expliquent parfaitement ces termes et leurs usages, et bien mieux que moi, évidemment…

En réalité, ces statuts sont là pour nous protéger, l’un l’autre, des dissensions possibles entre nous pour x raisons, ainsi que d’autres associés rentrants.
Nous ne voulons pas faire parti de ces dirigeants qui se font virer de leur société, juste parce que le conseil d’administration le souhaitait. Le plus célèbre d’entre eux étant Steve Jobs, viré d’Apple dans les années 90 pour y revenir triomphalement des années après!
Même si certaines clauses ne seront pas tenables lors des différentes levées de fonds que nous espérons, elles seront une expression évidente de notre connaissance du sujet et de notre désir de rester sur notre projet.

Les statuts doivent être enregistrés auprès de votre Centre des Impôts dans les 3 mois suivants votre immatriculation. Pour notre part, nous l’avons fait avant l’immatriculation.

Donnons un peu le déroulement de tous ces actes:

1 – Pourquoi s’immatriculer? En mode start-up, on a très peu de factures qui rapportent au départ, donc pas une obligation extrême d’avoir un Kbis…
D’une part, de mon côté, j’avais besoin d’un numéro SIREN pour faire valider mon Congé Création d’Entreprise auprès de ma boîte où j’étais salarié, et obtenir un peu de cash pour lancer notre société.
Et, à force de régler des factures sur nos fonds propres, qui ne provenaient pas du capital social de l’entreprise, l’apport en investissement devenait de plus en plus lourd pour la future société.
Enfin, comme on payait la TVA sans jamais obtenir de contrepartie, l’Etat commençait à nous devoir pas mal d’argent qu’il serait bon de récupérer en crédit de TVA.
A ce propos, comprenez ceci : chaque trimestre, votre boîte calcule la TVA qu’elle a payée, et celle qu’elle a reçue. Et elle régularise auprès des impôts, ou pour payer plus, ou pour se faire rembourser.
Dans le cas d’une start-up, vous investissez plus que vous ne percevez d’argent. Ainsi, la TVA que vous payez doit intégralement vous revenir.
Ca, c’est la théorie. Je ne me suis pas encore frotté aux impôts pour voir à quel point ils vont me rendre des sous. Mais bon, si la Bettencourt a pu se faire rembourser des millions d’Euros, c’est pas moi qui pourrais leur faire un trou.
2 – 5 juillet 2010 : fin d’écriture des statuts. Cela part chez une amie juriste pour validation.
3 – Début août : validation OK des statuts après un ou deux aménagements.
4 – 20 Août 2010 : On a trouvé notre banque après un audit – ce sera le CIC de la Défense – , ils ont besoin des statuts et de l’annonce légale pour ouvrir le compte bloqué.
5 – 22 Août 2010 : On signe les statuts entre nous le 22 août 2010.
6 – 22 Août 2010 : L’annonce légale est envoyée.
7 – 24 Août 2010 : Enregistrement des statuts au centre des impôts de Nanterre.
8 – 24 Août 2010 : Dépôt du capital social au CIC.
9 – 26 Août 2010 : Parution de l’annonce légale.
10 – 26 Août 2010 : Dépôt du dossier de création d’entreprise au CFE de Nanterre.
11 – 1 sept 2010 : Dossier refusé à cause d’une case non cochée sur l’attestation de domicile. Je coche, je renvoie illico!
12 – 8 sept 2010 : Réception de notre extrait Kbis, en date du 5 septembre : Walkyrie On a Donkey est née…

Ouf, tout cela est derrière nous!
Mais ce n’est pas tout, juste après, il faut penser à :

– Annoncer à l’INPI que la marque « Dress-Me » est maintenant portée par une société créée, et non plus en « cours de formation », avec potentiellement un changement d’adresse. C’est gratuit, mais c’est encore de la paperasse.
– Se faire assurer en tant que personne morale (le chef d’entreprise en tous les cas). Pas facile car le métier dans le web n’est pas encore très bien cerné – en tant que risque – par les assureurs.
– Se faire connaître de l’URSSAF, que l’on ait des employés ou non, que l’on se verse un salaire ou non.
– Donner les renseignements nécessaires aux impôts pour qu’ils évaluent votre Contribution Économique Territoriale, le remplaçant de la Taxe professionnelle qui n’a donc pas disparu…
– Attention, il semblerait que des impôts tombent en janvier 2010 rapidement, donc mieux vaut créer sa boîte en tout début d’année…

Voilà, je pense que j’ai fait le tour.
Comme on peut le voir, une fois la banque trouvée et les statuts écrits, cela peut aller très vite :
2 à 3 semaines, pour 350 à 400€ de frais en comptant quelques timbres avec AR.

J‘espère que cela en aidera d’autres, car nous, on a un peu galéré à récolter chaque info, même si le web regorge d’informations : il faut vraiment étudier et passer du temps!
Qui va créer le service qui fera tout cela à la place des startups?
4 octobre 2010 : info de dernière minute sur cette dernière question => @martinpannier nous propose ce site. Quelqu’un a déjà essayé?