Auto-entreprise et chômage font ils bon ménage ?

J’écris peu sur ce blog depuis l’arrêt de Dress-Me, la plupart des articles métiers pour Gentle se trouvant sur le Medium du projet. Mais j’avais des choses à vous dire par rapport à une expérience vécue dans ma vie d’entrepreneur.

Contrairement à ma première startup, j’ai pu bénéficier d’une rupture conventionnelle en quittant mon job, et ainsi avoir l’opportunité d’avoir des indemnités chômage à hauteur de 70% environ de mon salaire précédent.

Porter un projet comme Gentle est très compliqué comme on l’explique sur notre Medium, et on s’appuie beaucoup sur nos capacités et fonds propres. Ainsi, il est apparu assez vite que le chômage ne suffirait pas pour avancer, et je me suis donc dit que coupler à une activité secondaire qui prendrait peu de temps et n’altèrerait pas mon travail dans la startup, pouvait être une bonne idée.

Je me suis tourné vers l’auto-entreprise, dite micro-entreprise désormais, histoire de pouvoir mettre un peu de beurre dans les épinards et pouvoir amplifier mes capacités financières durant la phase compliqué du projet. Le but n’est pas de « faire du fric sur le dos de la collectivité », mais pouvoir tout de même réguler les fins de mois et faire avancer le projet qui a besoin de fonds propres.

Pôle Emploi m’avait expliqué que la reprise d’une activité, même partielle, devait lui être indiquée afin que les ARE ne me soient pas versées de la même façon, et que mes droits soient prolongés. Et que si le « revenu » perçut en tant qu’auto entrepreneur dépassait les indemnités mensuelles, alors, il n’y aurait aucun versement (nous reviendrons sur cette histoire de « revenu » plus loin).

Comment s’en sortir avec les calculs Pole Emploi ?

Je vais être très factuel ici et vous présentez quels ont été mes « tests » afin d’arriver à la conclusion tout en bas de l’article. Je dis « tests » car personne n’a été fichu de me répondre sur certaines questions précises, vous allez comprendre.

A noter que le salaire pris en référence est le salaire moyen français de 2014 – soit 2225 euros net avant impôt sur le revenu – , mais que les calculs introduits sont bien réels et vécus depuis ces derniers mois :

  • Un salaire moyen de 2225 euros, cela donne droit à un chômage d’environ 70% de ce montant, soit 1557,5 euros, mais décliné en journalier et sur une certaine période. Admettons que vos droits en durée soit plein – donc 730 jours de droit – , cela vous fera donc environ 52 euros par jour. Cela signifie que votre montant de chômage perçu en février (non année bisextile) sera de 28*52 = 1456 euros net, en mars de 31*52 = 1612 euros
  • Ensuite, mon activité sous mon régime auto-entrepreneur est « Activités libérales »,  et fait que je suis à la CIPAV, qui me prélève donc 22,90% (+ 0,20% au RSI) sur mes factures émises
  • Pôle Emploi m’a annoncé que, selon cette activité, il considérait mon salaire à 66% de la facturation
  • Admettons que tu fasses une facture correspondant à 1000 euros :
    • Les prélèvements obligatoires sont de 23,10 %, soit 231 euros.
    • Pole Emploi considère que tu touches un salaire d’environ 660 euros, et va donc faire la chose suivante en fin de mois :
      • Il calcule le nombre de jour auquel cela correspond en ARE : 660 / 52 = 12,7 jours – disons qu’ils arrondissent à 12 au lieu de 13 jours
      • ils vont donc retirer 12 jours à tes indemnités chômage du mois. Donc si tu factures au mois de mars, tu auras (31-12)*52 = 988 euros d’indemnités au lieu de 1612 euros
      • Et ces 12 jours, il te les rajoute à ta période de chômage. Donc, ta période couverte augmente d’autant.
    • Ainsi, à la fin du mois de mars, avec ta facture de 1000 euros et tes indemnités chômage, tu touches :
      • 988 + (1000-231) = 1757 euros
    • Donc pour 1000 euros facturés, tu retires 15% environ de cette somme en montant net, et récupères 12 jours de durée de chômage en plus. Je vous laisse décider si c’est intéressant ou pas. En tous les cas, ce sont les règles et elles me semblent « justes », même si un peu démoralisantes sur la partie « travailler paye ».
    • (petit bémol sur le calcul du « salaire » autoentrepreneur par Pôle Emploi : malgré ces 66% annoncés, lors de ma première facturation, ils n’ont estimé le salaire qu’à 61%, je ne sais pas pourquoi… Peut-être y a t’il des seuils que je ne connais pas?)

Et si on facture plus ?

Nous l’avons vu, on ne va pas faire cela pour de l’argent. Mais si on essaie de facturer plus, il se passe quoi?

Dès que le « salaire » calculé par Pôle Emploi atteint le montant de vos indemnités, tout est retiré pour le mois – je l’ai testé et approuvé… -, donc, rien ne vous pousse à faire ce genre de facturation, à moins de vouloir prolonger votre période de chômage.

Cela peut correspondre à une période où votre startup n’a pas besoin de vos compétences, et qu’il vous faut plus de temps. Mais globalement, c’est très démotivant.

Quel moyen a t’on pour optimiser et parvenir à sortir un peu de cash ?

La solution est de facturer vraiment plus ! Encore une fois, ce que j’annonce a été testé en réel.

Ce n’est pas simple car il faut que votre prestation soit super concentrée avec votre donneur d’ordre : soit donc trouver suffisamment de taff durant une période donnée – sur un mois max -, facturer, attendre le paiement puis annoncer cela à Pôle Emploi (un « mois max » car Pôle Emploi compte nécessairement au mensuel et ne prendra pas en compte une facture étendue sur plusieurs mois).

Reprenons nos chiffres :

  • Mois de mars, votre chômage s’élève à 1612 euros
  • Admettons que vous trouviez un moment où votre startup n’a pas besoin de vous, et qu’en parallèle, vous puissiez facturer 3 fois ce montant, disons 4500 euros, en prestations
  • Vous avez toujours 23,10 % de prélèvements, soit 1039,5 euros
  • Il vous reste 3460,5 euros
  • Pôle Emploi ne vous versera rien ce mois-ci, et basculera 31 jours de droit en durée en votre faveur
  • Mais le mois suivant, ne prendra pas en compte un quelconque surplus : vous toucherez vos indemnités chômage normalement, soit 30*52 = 1560 euros pour le mois d’avril
  • Ainsi donc ici, vous avez pu acquérir un peu de cash, tout en maintenant bien hauts vos droits au chômage.

Alors, est-ce un bon plan ?

Oui si vous souhaitez faire durer votre chômage.

Non si votre but est de mettre un peu de beurre dans les épinards et que vous faites juste un peu de prestation tout le long de l’année.

Oui si vous pouvez prendre des périodes de prestations concentrées vous permettant de dégager un maximum de facturation.